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LE COLLIER DES JOURS

propos, d’être assez bonne pour me donner un cure-dent.

— Un cure-dent !

— Oui, parfaitement : cela me rendrait service, parce que, à ce dîner, j’ai mangé du veau et il m’en est resté dans les dents : c’est extrêmement désagréable, surtout quand on n’a pas de cure-dent… Voyez-vous, c’était un veau de famille, filandreux, coriace et salé… Ah ! tellement salé que je meurs de soif, et vous seriez tout à fait aimable en me faisant servir quelques boissons.

Pendant le dernier entr’acte, on avait débouché du champagne ; Wagner, qui s’amusait comme un enfant, fit tout à coup irruption sur la scène en criant :

— Voilà ! voilà !…

Et c’est lui-même qui nous versa le vin mousseux !

Alors Servais devint épique :

— C’est très curieux, madame : vous avez un maître d’hôtel qui ressemble, d’une façon singulière, à un compositeur dont on parle beaucoup depuis quelque temps un certain Richard Wagner. C’est un extravagant, un enragé, qui fait de la musique épouvantable, des charivaris dignes des cannibales, et qui appelle cela « la musique de l’avenir… »

Et il débitait, sans trembler, toutes les venimeuses âneries qui avaient cours alors. Et finalement :