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LE COLLIER DES JOURS

Villiers est ravi de nos fredons, qu’il faut recommencer plusieurs fois. Sa vive imagination supplée à tout ce qui manque : il croit entendre l’orchestre.

Brusquement il tombe en arrêt sur je ne sais quoi ; ses clairs yeux bleus s’ouvrent plus larges, ne clignent plus, et il se met à rire.

— Qu’est-ce que c’est que ce mot extraordinaire : Dampfschifffahrtgesellschaft !

En effet, ce mot apparaît en gros caractères sur une planche peinte en blanc, haut portée par deux poteaux fichés en terre.

— Six voyelles contre vingt-deux consonnes, et un seul mot ! s’écrie Villiers ; qu’est-ce qu’il veut dire, ce mot ?

En réunissant nos vagues notions d’allemand nous présumons qu’il signifie « Compagnie des bateaux à vapeur », et que c’est là l’embarcadère. En effet, au delà des poteaux réunis par la planche, qui figurent avec elle un chambranle de porte, il y a un escalier en bois qui mène à un ponton. L’eau bleue clapote contre les pilotis, les cygnes naviguent à l’entour, et les voiles, aussi blanches que leurs ailes, cinglent vers le lointain, vers le promontoire, que le soleil, là-bas, en ce moment, couvre d’un brouillard d’or…