Aller au contenu

Page:Gautier - Le Troisième Rang du collier, 4e éd.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55
LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

qu’il ne pouvait comprendre comment il avait omis d’instituer plus tôt ce souper.

— Nous n’y pensions pas, dit-il, c’est un oubli incroyable… Une chose pourtant si agréable, et même indispensable !… Désormais ce souper sera toujours servi et nous bénirons la réforme dont nous sommes redevables à votre jeûne forcé du premier soir.

On s’attardait à causer. La parole du Maître, violente, joyeuse, passionnée, toujours sincère, produisait sur nous une impression intense, pour ainsi dire, magnétique. Nous passions par tous les états qu’elle décrivait : enthousiasme, indignation, désespoir. Il semblait revivre les phases qu’il rappelait de sa vie si tourmentée, — « les misérabilités », — comme il disait, et nous en subissions, avec lui, toutes les angoisses, toutes les rancœurs. Cependant, s’il nous jugeait trop bouleversés, trop vivement émus, sans transition, pour nous remettre d’aplomb, par une plaisanterie irrésistible, il nous faisait éclater de rire…

Le carlin Cos, ayant la peau un peu irritée, était au régime : on lui avait interdit la viande. Si, cédant à ses instantes sollicitations, un des convives lui en glissait un petit morceau, Wa-