Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
LE VIEUX DE LA MONTAGNE

— C’est grand’pitié, vraiment, dit Sybille, qui ne put s’empêcher de rire. Mais elle se mordit les lèvres et reprit :

— Le Patriarche s’est plaint, j’imagine ?

— Il s’est plaint, oui ; les Hospitaliers ont répondu qu’ils feraient pire encore. Ils l’ont fait. Ce matin, pendant la messe, ivres de fureur, ils sont entrés, en armes, dans le très saint sanctuaire, comme si c’était une caverne de larrons, et ont osé lancer des flèches.

— Un autre que vous me rapporterait cela que je ne le voudrais croire, s’écria la princesse.

— Vous pouvez voir ces flèches, comme je les ai vues moi-même. On les a réunies en faisceau, et suspendues devant le calvaire, pour témoigner de cette offense.

— Lancer des flèches dans le sépulcre du Sauveur ! dit Sybille en baissant la tête. Et ce sont les soldats du Christ qui font de telles choses ! Ah ! le désordre est grand dans la cité sainte !… Et notre sexe non plus n’est pas exempt de blâme. Ne voit-on pas, chaque jour, les nonnes du couvent de Sainte-Anne se rendre aux bains publics, où leurs amants les attendent ?… Mais il faut avouer aussi que ce climat est bien terrible. Il