Aller au contenu

Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
BRIGANDS POUR LES OISEAUX.

oraison funèbre. Il avait rendu l’âme à la question, ne voulant pas convenir, par modestie, de ses hauts faits, et refusant avec une constance héroïque de livrer les noms de ses camarades à la justice trop curieuse.

Le cinquième, représentant Florizel de Bordeaux, n’obtint pas de myriologie d’Agostin, mais un simple regret mêlé d’espérance. Florizel, la main la plus légère de la province pour tirer sur les ponts la soie ou la laine, ne se balançait pas comme les autres, moins heureux, aux chaînes du gibet, lavé de la pluie et piqué des corbeaux. Il voyageait aux frais de l’État sur les galères du roi dans les mers océanes et méditerranées. Ce n’était qu’un filou parmi des brigands, un renard dans une bande de loups ; mais il avait des dispositions, et, perfectionné à l’école de la chiourme, il pouvait devenir un sujet d’importance ; on n’est pas parfait du premier coup. Agostin attendait impatiemment que cet aimable personnage s’échappât du bagne et lui revînt.

Gros et court, vêtu d’une souquenille cerclée par une large ceinture de cuir, coiffé d’un chapeau à larges bords, le sixième mannequin fut planté un peu en avant des autres comme un chef d’escouade.

« Tu mérites cette place d’honneur, fit Agostin en s’adressant à l’épouvantail, patriarche du grand chemin, Nestor de la tire, Ulysse de la pince et du croc, ô grand Lavidalotte, mon guide et mon maître, toi qui me reçus parmi les chevaliers de la belle Étoile, et qui, de mauvais écolier que j’étais, me fis bandit