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V

CHEZ MONSIEUR LE MARQUIS


Aux rayons d’une belle matinée, le château de Bruyères se développait de la façon la plus avantageuse du monde. Les domaines du marquis, situés sur l’ourlet de la lande, se trouvaient en pleine terre végétale, et le sable infertile poussait ses dernières vagues blanches contre les murailles du parc. Un air de prospérité, formant un parfait contraste avec la misère des alentours, réjouissait agréablement la vue dès qu’on y mettait le pied ; c’était comme une île Macarée au milieu d’un océan de désolation.

Un saut-de-loup, revêtu d’un beau parement de pierre, déterminait l’enceinte du château sans le masquer. Dans un fossé miroitait en carreaux verts une eau brillante et vive dont aucune herbe aquatique n’altérait la pureté, et qui témoignait d’un soigneux entretien. Pour la traverser se présentait un pont de briques et de pierre assez large pour que deux carrosses y pussent rouler de front, et garni de garde-fous à balustres. Ce pont aboutissait à une magnifique grille en fer battu, vrai monument en serrurerie que l’on aurait cru façonné du propre marteau de Vulcain. Les portes s’accrochaient à deux piliers de mé-