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Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/138

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LE CAPITAINE FRACASSE.

ses privilèges, et le char de Thespis pénètre partout.

Une allée sablée de la largeur du pont conduisait au château, traversant un jardin ou parterre planté selon la dernière mode. Des bordures de buis rigoureusement taillées y dessinaient des cadres où se déployaient, comme sur une pièce de damas, des ramages de verdure d’une symétrie parfaite. Les ciseaux du jardinier ne permettaient pas à une feuille de dépasser l’autre, et la nature, malgré ses rébellions, était obligée de s’y faire l’humble servante de l’art. Au milieu de chaque compartiment, se dressait dans une attitude mythologique et galante, une statue de déesse ou de nymphe en style flamand italianisé. Des sables de diverses couleurs servaient de fond à ces dessins végétaux qu’on n’eût pas plus régulièrement tracés sur le papier.

À la moitié du jardin une allée de même largeur se croisait avec la première, non pas à angles droits, mais en aboutissant à une sorte de rond-point dont le centre était occupé par une pièce d’eau, ornée d’une rocaille servant de piédestal à un Triton enfant qui soufflait une fusée de cristal liquide avec sa conque.

Sur les côtés du parterre régnaient des charmilles palissadées, tondues à vif et que l’automne commençait à dorer. Une industrie savante avait fait de ces arbres, qu’il eût été difficile de reconnaître pour tels, un portique à arcades qui laissaient par leurs baies apercevoir des perspectives et des fuites ménagées à souhait pour le plaisir des yeux sur les campagnes environnantes.

Le long de l’allée principale, des ifs taillés en py-