cœur blessé, digne en tout point d’une meilleure chance.
Le Tyran remuait dans sa tête, comme des billes dans un sac, le chiffre des pistoles qu’il demanderait pour gage de sa troupe, ajoutant un zéro à chaque tour de roue. Blazius le Pédant, passant sa langue de Silène sur ses lèvres altérées d’une soif inextinguible, songeait libidineusement aux muids, quartauts et poinçons de vin des meilleurs crus que devaient contenir les celliers du château. Le Léandre, raccommodant d’un petit peigne d’écaille l’économie un peu compromise de sa perruque, se demandait, avec un battement de cœur, si ce féerique manoir renfermait une châtelaine. Question d’importance ! Mais la mine hautaine et bravache, quoique joviale du marquis, modérait un peu les audaces qu’il se permettait déjà en imagination.
Rebâti à neuf sous le règne précédent, le château de Bruyères se déployait en perspective au bout du jardin dont il occupait presque toute la largeur. Le style de son architecture rappelait celui des hôtels de la place Royale de Paris. Un grand corps de logis et deux ailes revenant en équerre, de façon à former une cour d’honneur, composaient une ordonnance fort bien entendue et majestueuse sans ennui. Les murs de briques rouges reliés aux angles de chaînes en pierre faisaient ressortir les cadres des fenêtres également taillés dans une belle pierre blanche. Des linteaux de même matière accusaient la division des étages au nombre de trois. Au claveau des fenêtres, une tête de femme sculptée, à joues rebondies, à coiffure attifée