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Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/187

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CHEZ MONSIEUR LE MARQUIS.

ferai le guet, quand vous en serez aux mains, de peur que les sergents ne vous dérangent.

— Les étincelles de nos épées leur feront prendre le large, et ils n’oseraient, les bélîtres, entrer dans ce cercle de flammes et de sang. Reste tout près de moi, mon bon Scapin ; si, d’aventure, j’étais fâcheusement navré de quelque estafilade, tu me recevrais en tes bras, répondit Matamore qui aimait beaucoup à être interrompu dans ses duels.

— Plantez-vous bravement devant lui, dit le valet en poussant son maître, et barrez-lui le passage. »

Voyant qu’il n’y avait pas moyen de faire une reculade, Matamore s’enfonça son feutre jusque sur les yeux, retroussa sa moustache, mit la main à la poignée de son immense rapière et s’avança vers Léandre, qu’il toisa des pieds à la tête, le plus insolemment qu’il put ; mais c’était bravade pure, car on entendait claquer ses dents et l’on voyait flageoler et trembler ses minces jambes comme des roseaux au vent de bise. Il ne lui restait plus qu’un espoir, c’était d’intimider Léandre par des éclats de voix, des menaces et des rodomontades, des lièvres étant souvent cachés sous des peaux de lion.

« Monsieur, savez-vous que je suis le capitaine Matamoros, appartenant à la célèbre maison Cuerno de Cornazan, et allié à la non moins illustre famille Escobombardon de la Papirontonda ? Je descends d’Antée par les femmes.

— Eh ! descendez de la lune si cela vous amuse, répondit le Léandre avec un dédaigneux hausse-