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Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/206

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LE CAPITAINE FRACASSE.

riété de voir Scapin dont la tête passait par l’hiatus de la porte entre-bâillée et qui ricanait malicieusement. Il se redressa du mieux qu’il put, mais la maligne bête ne prit pas le change.

Le lendemain, la troupe fit ses préparatifs de départ. On abandonna le char à bœufs comme trop lent, et le Tyran, largement payé par le marquis, loua une grande charrette à quatre chevaux pour emmener la bande et ses bagages. Léandre et Zerbine se levèrent tard, pour des raisons qu’il n’est pas besoin d’indiquer davantage, seulement l’un avait la mine dolente et piteuse, quoiqu’il essayât de faire à mauvais jeu bon visage ; l’autre rayonnait d’ambition satisfaite. Elle se montrait même bonne princesse envers ses compagnes, et la duègne, symptôme grave, se rapprochait d’elle avec des obséquiosités patelines qu’elle ne lui avait jamais montrées. Scapin, à qui rien n’échappait, remarqua que la malle de Zerbine avait doublé de poids par quelque sortilège magique. Sérafine se mordait les lèvres en murmurant le mot « créature ! » que la soubrette ne fit pas semblant d’entendre, contente pour le moment de l’humiliation de la grande coquette.

Enfin, la charrette s’ébranla, et l’on quitta cet hospitalier château de Bruyères, que tous regrettaient, excepté Léandre. Le Tyran pensait aux pistoles qu’il avait reçues ; le Pédant, aux excellents vins dont il s’était largement abreuvé ; Matamore aux applaudissements qu’on lui avait prodigués ; Zerbine, aux pièces de taffetas, aux colliers d’or et autres régals ; Sigognac