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LE CAPITAINE FRACASSE.

verses passagères, et quoique nous n’allions guère vite, cependant nous nous rapprochons de Paris.

— Je n’ai point été élevé sur les genoux de la mollesse, répondit Sigognac, et je ne suis point homme à m’effrayer pour quelques flocons de neige. Ce sont ces pauvres femmes que je plains, obligées, malgré la débilité de leur sexe, à supporter des fatigues et des privations comme routiers en campagne.

— Elles y sont de longue main habituées, et ce qui serait dur à des femmes de qualité ou à des bourgeoises ne leur semble pas autrement pénible. »

La tempête augmentait. Chassée par le vent, la neige courait en blanches fumées rasant le sol, et ne s’arrêtant que lorsqu’elle était retenue par quelque obstacle, revers de tertre, mur de pierrailles, clôture de haie, talus de fossé. Là, elle s’entassait avec une prodigieuse vitesse, débordant en cascade de l’autre côté de la digue temporaire. D’autres fois elle s’engouffrait dans le tournant d’une trombe et remontait au ciel en tourbillons pour en retomber par masses, que l’orage dispersait aussitôt. Quelques minutes avaient suffi pour poudrer à blanc, sous la toile palpitante de la charrette, Isabelle, Sérafine et Léonarde, quoiqu’elles se fussent réfugiées tout au fond et abritées d’un rempart de paquets.

Ahuri par les flagellations de la neige et du vent, le cheval n’avançait plus qu’à grand’peine. Il soufflait, ses flancs battaient, et ses sabots glissaient à chaque pas. Le Tyran le prit par le bridon, et, marchant à côté de lui, le soutint un peu de sa main vigoureuse.