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LE CAPITAINE FRACASSE.

sauter et se tracasser derrière la muraille. Des pas et des voix d’homme se mêlèrent à leurs clabauderies. Bientôt toute la ferme fut en éveil.

« Restez là, vous autres, à quelque distance, fit le Pédant, notre nombre effrayerait peut-être ces bonnes gens qui nous prendraient pour une bande de malandrins voulant envahir leurs pénates rustiques. Comme je suis vieux et de mine paterne et débonnaire, je vais seul heurter à l’huis et entamer les négociations. On n’aura point peur de moi. »

Le conseil était sage et fut suivi. Blazius avec le doigt index recroquevillé frappa contre la porte qui s’entre-bâilla, puis s’ouvrit toute grande. Alors, de la place où ils étaient plantés, les pieds dans la neige, les comédiens virent un spectacle assez inexplicable et surprenant. Le Pédant et le fermier qui haussait sa lampe pour éclairer au visage l’homme qui le dérangeait ainsi, se mirent, après quelques mots échangés que les acteurs ne pouvaient entendre, à gesticuler d’une manière bizarre et à se ruer en accolades, comme cela se pratique au théâtre pour les reconnaissances.

Encouragés par cette réception à laquelle ils ne comprenaient rien, mais que d’après sa pantomime chaleureuse ils jugeaient favorable et cordiale, les comédiens s’étaient rapprochés timidement, prenant une contenance piteuse et modeste, comme il convient à des voyageurs en détresse qui implorent l’hospitalité.

« Holà, vous autres ! s’écria le Pédant d’une voix joyeuse, arrivez sans crainte ; nous sommes chez un enfant de la balle, un mignon de Thespis, un favori de