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COUPS D’ÉPÉE, COUPS DE BÂTON, ETC.

dans la rue, laissons filer les femelles, dont les piaillements nous assourdiraient, sous la conduite de Léandre et de Blazius : l’un n’est qu’un fat, poltron comme la lune ; l’autre est par trop vieil, et la force trahirait son courage ; Scapin restera avec nous, il passe le croc-en-jambe mieux que pas un, et en moins d’une minute il vous aura étendu sur le dos, plats comme porcs, un ou deux de ces maroufles, si tant est qu’ils nous assaillent ; en tout cas, mon bâton est au service de votre rapière.

— Merci, brave Hérode, répondit Sigognac, l’offre n’est pas de refus ; mais prenons bien nos dispositions, de peur d’être attaqués à l’improviste. Marchons les uns derrière les autres à un certain intervalle, juste au milieu de la rue ; il faudra que ces coquins apostés, qui s’appliquent à la muraille dans l’ombre, s’en détachent pour arriver jusqu’à nous, et nous aurons le temps de les voir venir. Çà, dégainons l’épée ; vous, brandissez votre massue, et que Scapin fasse un plié de jarret pour se rendre la jambe souple. »

Sigognac prit la tête de la petite colonne, et s’avança prudemment dans la ruelle qui menait du jeu de paume à l’auberge des Armes de France. Elle était noire, tortueuse, inégale en pavés, merveilleusement propre aux embuscades. Des auvents s’y projetaient redoublant l’épaisseur de l’ombre, et prêtant leur abri aux guets-apens. Aucune lumière ne filtrait des maisons endormies, et il n’y avait pas de lune cette nuit-là.

Basque, Azolan, Labriche et Mérindol, les estafiers