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Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/338

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LE CAPITAINE FRACASSE.

levis et gardée, comme dans les histoires de chevalerie, par des dragons soufflant feux et flamme. Mais voici notre armée en déroute qui revient. »

En effet, Azolan, Basque et Labriche, remis de son évanouissement, se montrèrent à la porte du salon tendant vers le duc des mains suppliantes. Ils étaient livides, hagards, souillés de boue et de sang, bien qu’ils n’eussent d’autres blessures que des contusions, mais la violence des coups avait déterminé des hémorrhagies nasales, et des plaques rougeâtres tigraient hideusement le cuir jaune de leurs buffles.

« Rentrez dans vos chenils, canailles ! s’écria le duc qui n’était pas tendre, à la vue de cette troupe écloppée. Je ne sais à quoi tient que je ne vous fasse donner les étrivières pour votre imbécillité et couardise ; mon chirurgien va vous visiter, et me dira si les horions dont vous vous prétendez navrés sont de conséquence, sinon je vous ferai écorcher vifs comme anguilles de Melun. Allez ! »

L’escouade déconfite se le tint pour dit et disparut comme si elle eût été ingambe, tant le jeune duc inspirait de terreur à ces spadassins, gens de sac et de corde, qui n’étaient pourtant pas fort timides de nature.

Quand les pauvres diables se furent retirés, Vallombreuse se jeta sur une pile de carreaux, et garda un silence que Vidalinc respecta. Des pensées tempêtueuses se succédaient dans sa cervelle comme les nuages noirs poussés par un vent furieux sur un ciel d’orage. Il voulait mettre le feu à l’auberge, enlever Isabelle, tuer le capitaine Fracasse, jeter à l’eau toute