Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/351

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
343
COUPS D’ÉPÉE, COUPS DE BÂTON, ETC.

soupi que fort tard. Aussi quand le marquis de Bruyères dit au valet de chambre de Vallombreuse de l’annoncer à son maître, les yeux du maraud s’écarquillèrent-ils à cette demande énorme. Réveiller le Duc ! Entrer chez lui avant qu’il n’eût sonné ! Autant eût valu pénétrer dans la cage d’un lion de Barca ou d’un tigre de l’Inde. Le Duc, même quand il s’était couché de bonne humeur, n’avait pas le réveil gracieux.

« Monsieur ferait mieux d’attendre, dit le laquais tremblant à l’idée d’une telle audace, ou de revenir plus tard. Monseigneur n’a pas encore appelé, et je n’ose prendre sur moi…

— Annonce le marquis de Bruyères, cria le protecteur de Zerbine d’une voix où la colère commençait à vibrer, ou j’enfonce la porte et je m’introduis moi-même ; il faut que je parle à ton maître sur-le-champ pour des choses qui sont d’importance et intéressent l’honneur.

— Ah ! monsieur vient pour un duel ? dit le valet de chambre subitement radouci. Que ne le disiez-vous tout de suite. Je vais aller porter votre nom à monseigneur ; il s’est couché hier de si féroce humeur qu’il sera enchanté d’être réveillé par une querelle, et d’avoir un prétexte de se battre. »

Et le laquais, d’un air résolu, pénétra dans l’appartement après avoir prié le marquis de vouloir bien patienter quelques minutes.

Au bruit que fit la porte en s’ouvrant et en se refermant, Vallombreuse, qui ne dormait que d’un œil,