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LE CAPITAINE FRACASSE.

nait rencognée dans sa loge. Ce mystère sentait l’aventure. Léandre devina tout de suite sous ce masque une passion que les bienséances forçaient de se contraindre, et il détacha vers l’inconnue une brûlante œillade, pour lui marquer qu’elle avait été comprise.

Le trait décoché porta, et la dame fit à Léandre un signe de tête imperceptible, comme pour le remercier de sa pénétration. Le rapport était établi, et désormais, quand l’action de la pièce le permettait, des regards s’échangeaient entre la loge et le théâtre. Léandre excellait en ces sortes de manèges, et il savait diriger sa voix et lancer une tirade amoureuse de façon qu’une personne de la salle pouvait croire qu’il la disait pour elle seule.

À l’entrée de Sylvie, représentée par Sérafine, le chevalier de Vidalinc ne se fit pas faute d’applaudir, et le duc de Vallombreuse, voulant favoriser les amours de son ami, ne dédaigna pas de rapprocher trois ou quatre fois les paumes de ses mains blanches, dont les doigts étaient chargés de bagues aux pierres étincelantes. Sérafine salua d’une demi-révérence le chevalier et le duc, et se prépara à commencer avec Lygdamon ce joli dialogue que les connaisseurs jugent un des endroits les mieux touchés de la pièce.

Comme l’exige le rôle de Sylvie, elle fit quelques pas sur le théâtre d’un air préoccupé et songeur, pour motiver la demande de Lygdamon :


À ce coup je vous prends dedans la rêverie.