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LE CAPITAINE FRACASSE.

les cheveux noués d’un mouchoir, vêtu d’un caban de couleur marron qui en s’entr’ouvrant permettait de voir un justaucorps de buffle et des chausses brunes ornées sur la couture d’un rang de boutons de cuivre en forme de grelots. Une large ceinture de laine rouge lui sanglait les reins, et il en avait tiré une navaja valencienne qui, ouverte, atteignait la longueur d’un sabre. Il en serra le cercle, en essaya la pointe avec le bout du doigt et parut satisfait de son examen, car il dit à son adversaire : « Je suis prêt », puis, avec un accent guttural, il siffla un nom bizarre que n’avaient jamais entendu les buveurs du Radis couronné, mais qui a déjà figuré plus d’une fois dans ces pages : « Chiquita ! Chiquita ! »

À la seconde appellation, une fillette maigre et hâve, endormie dans un coin sombre, se débarrassa de la cape dont elle s’était soigneusement entortillée et qui la faisait ressembler à un paquet de chiffons, s’avança vers Agostin, car c’était lui, et fixant sur le bandit ses grands yeux étincelants, avivés encore par une auréole de bistre, elle lui dit d’une voix grave et profonde qui contrastait avec son apparence chétive :

« Maître, que veux-tu de moi ? je suis prête à t’obéir ici comme sur la lande, car tu es brave et ta navaja compte bien des raies rouges. » Chiquita dit ces mots en langue eskuara ou patois basque, aussi inintelligible pour des Français que du haut allemand, de l’hébreu ou du chinois.

Agostin prit Chiquita par la main et la plaça debout contre la porte en lui recommandant de se tenir im-