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DOUBLE ATTAQUE.

à l’arc de Cupidon, le valet de chambre, satisfait de son ouvrage, se renversa un peu en arrière pour le contempler, comme un peintre qui regarde, en clignant l’œil, la dernière touche posée à son tableau.

« Quel habit monsieur le duc désire-t-il mettre aujourd’hui ? Si j’osais risquer un avis à qui n’en a pas besoin, je conseillerais à Sa Seigneurie le costume de velours noir à taillades et à bouffettes en satin de la même couleur, avec les bas de soie et un simple col en point de Raguse. Les brocarts, les satins brochés, les toiles d’or et d’argent, les pierreries pourraient, par leur éclat intempestif, distraire les regards qui se doivent porter uniquement sur la figure de monsieur, dont les charmes ne furent jamais plus irrésistibles ; le noir relèvera cette pâleur délicate qui lui reste de sa blessure et lui donne tant d’intérêt.

— Le drôle a le goût bon, et sait flatter aussi bien qu’un courtisan, murmura intérieurement Vallombreuse ; oui, le noir m’ira bien ! Isabelle, d’ailleurs, n’est point femme à s’éblouir devant des orfrois de brocarts et des bluettes de diamants. Picard, continua-t-il tout haut, passez-moi le pourpoint et les chausses de velours, et donnez-moi l’épée d’acier bruni. Maintenant, dites à la Ramée qu’il fasse mettre les chevaux au carrosse, les quatre bais, et promptement. Je veux sortir dans un quart d’heure. »

Picard disparut aussitôt pour faire exécuter les ordres de son maître. Vallombreuse, en attendant la voiture, se promenait de long en large à travers la chambre, jetant, toutes les fois qu’il passait devant,