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DOUBLE ATTAQUE.

plus vite que de coutume. Les sentiments qu’il éprouvait étaient de nature fort opposée. Ils variaient de la haine à l’amour, selon qu’il s’imaginait la jeune comédienne rebelle ou docile à ses vœux.

Quand le beau carrosse doré, traîné par des chevaux de prix et surchargé de laquais aux livrées de Vallombreuse, entra dans l’auberge de la rue Dauphine, dont les portes s’ouvrirent toutes grandes pour le recevoir, l’hôtelier, le bonnet à la main, se précipita plutôt qu’il ne descendit du haut du perron pour aller à la rencontre de ce magnifique visiteur, et savoir ce qu’il désirait.

Si vite que l’hôtelier eût couru, Vallombreuse, sautant du carrosse à terre sans l’aide du marchepied, s’avançait déjà vers l’escalier d’un pas rapide. Le front de l’aubergiste, prosterné tout bas, lui heurta presque les genoux.

Le jeune duc, de cette voix stridente et brève qui lui était familière lorsque quelque passion l’agitait, lui dit :

« Mademoiselle Isabelle demeure en cette maison. Je la voudrais voir. Est-elle au logis à cette heure ? Il n’est pas besoin de la prévenir de ma visite. Donnez-moi seulement un laquais qui m’accompagne jusqu’à sa porte. »

L’hôtelier avait répondu à ces questions par des respectueuses inclinaisons de tête, et il ajouta :

« Monseigneur, laissez-moi la gloire de vous conduire moi-même ; un tel honneur n’est point fait pour un maraud de valet. À peine si le maître de céans y suffit.