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LE CAPITAINE FRACASSE.
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tes et les brins d’herbe, coupa de son ongle la frêle tige et revint avec la fleurette plus contente que si elle eût trouvé une agrafe de pierreries oubliée dans la mousse par une princesse.

« Voyez, comme elle est mignonne, dit-elle, en la montrant à Sigognac, avec ses feuilles à peine dépliées à ce premier rayon de soleil.

Car ce n’est pas le soleil, répondit Sigognac, c’est votre regard qui l’a fait éclore. Sa fleur a précisément la nuance de vos prunelles.

— Son parfum ne se répand pas, parce qu’elle a froid, » reprit Isabelle, en mettant dans sa gorgerette la fleur frileuse. Au bout de quelques minutes elle la reprit, la respira longuement, et la tendit à Sigognac, après y avoir mis furtivement un baiser.

« Comme elle fleure bon, maintenant ! la chaleur de mon sein lui fait exhaler sa petite âme de fleur timide et modeste.

— Vous l’avez parfumée, répondit Sigognac, portant la violette à ses lèvres pour y prendre le baiser d’Isabelle ; cette délicate et suave odeur n’a rien de terrestre.

— Ah ! le méchant, fit Isabelle, je lui donne à la bonne franquette une fleur à sentir, et le voilà qui aiguise des concetti en style marinesque, comme si au lieu d’être sur un grand chemin il coquetait dans la ruelle de quelque illustre précieuse. Il n’y a pas moyen d’y tenir ; à toute parole, même la plus simple du monde, il répond par un madrigal ! »

Cependant, en dépit de cette bouderie apparente,