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VALLOMBREUSE.

explorations, mais la cour était exactement fermée partout comme l’enceinte d’une forteresse, à l’exception d’une poterne ou arcade de brique donnant probablement sur le fossé, car Isabelle, en s’y penchant avec précaution, sentit la fraîcheur humide de l’eau profonde lui monter à la figure comme une bouffée de vent, et elle entendit le faible murmure d’une petite vague se brisant au pied de la douve. C’était probablement par là qu’on approvisionnait les cuisines du château ; mais pour y arriver ou s’en éloigner, il fallait une petite barque rangée, sans doute, au bas du rempart, en quelque remise d’eau hors de la portée d’Isabelle.

L’évasion était donc impossible de ce côté comme des autres. C’est ce qui expliquait la liberté relative laissée à la prisonnière. Elle avait sa cage ouverte comme ces oiseaux exotiques qu’on transporte sur des navires et qu’on sait bien être forcés de revenir se percher sur la mâture après quelque courte excursion, car la terre la plus prochaine est si éloignée encore que l’aile s’userait avant d’y arriver. Le fossé autour du château faisait l’office de l’Océan autour du navire.

Dans un coin de la cour, une lueur rougeâtre filtrait à travers les volets d’une salle basse, et, dans le silence de la nuit, une certaine rumeur se dégageait de cet angle baigné d’ombre. La jeune fille se dirigea vers cette lumière et ce bruit, mue d’une curiosité facile à concevoir ; elle appliqua son œil à la fente d’un volet moins hermétiquement clos que les autres, et