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LA BAGUE D’AMÉTHYSTE.

contre Malartic avec la furie froide d’un homme qui peut mettre une profonde science au service d’un grand courage. Il parait toutes les bottes du spadassin, et déjà il lui avait effleuré le bras, comme le témoignait une rougeur subite à la manche de Malartic. Celui-ci, sentant que si le combat se prolongeait il était perdu, résolut de tenter un suprême effort, et il se fendit à fond pour allonger un coup droit à Sigognac. Les deux fers se froissèrent d’un mouvement si rapide et si sec, que le choc en fit jaillir des étincelles ; mais l’épée du Baron, vissée à un poing de bronze, reconduisit en dehors l’épée gauchie du bretteur. La pointe passa sous l’aisselle du capitaine Fracasse, lui égratignant l’étoffe du pourpoint sans en entamer le moule. Malartic se releva ; mais, avant qu’il se fût remis sur la défensive, Sigognac lui fit sauter la rapière de la main, posa le pied dessus, et lui portant la lame à la gorge, lui cria : « Rendez-vous, ou vous êtes mort ! »

À ce moment critique, un grand corps, brisant les menues branches, fit son entrée au milieu de la bataille, et le nouveau venu, avisant la situation perplexe de Malartic, lui dit d’un ton d’autorité : « Tu peux te soumettre, sans déshonneur, à ce vaillant ; il a ta vie au bout de son épée. Tu as loyalement fait ton devoir ; considère-toi comme prisonnier de guerre. »

Puis se tournant vers Sigognac : « Fiez-vous à sa parole, dit-il, c’est un galant homme à sa manière, et il n’entreprendra rien sur vous désormais. »

Malartic fit un signe d’acquiescement, et le Baron