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LA BAGUE D’AMÉTHYSTE.
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et le reste du manoir était enseveli dans l’ombre et le silence. Cependant, sur la façade en retour, la lune qui se levait commençait à répandre ses molles lueurs et glaçait d’argent les ardoises violettes du toit. Sa clarté naissante permettait de voir un homme en faction promenant son ombre sur une petite esplanade au bord du fossé. C’était Labriche, qui gardait la barque au moyen de laquelle Mérindol, La Râpée, Azolan et Agostin avaient traversé le fossé.

Cette vue fit réfléchir Hérode. « Que diable peut faire cet homme tout seul à cet endroit désert pendant que ses camarades jouent des couteaux ? Sans doute de peur de surprise ou pour assurer la retraite, il garde quelque passage secret, quelque poterne masquée par où, peut-être, en l’étourdissant d’un coup de gourdin sur la tête, je parviendrai à m’introduire en ce damné manoir et montrer à Sigognac que je ne l’oublie pas. »

En ratiocinant de la sorte, Hérode, suspendant ses pas et ne faisant non plus de bruit que si ses semelles eussent été doublées de feutre, s’approchait de la sentinelle avec cette lenteur moelleuse et féline dont sont doués les gros hommes. Quand il fut à portée, il lui assena sur le crâne un coup suffisant pour mettre hors de combat, mais non pour tuer celui qui le recevait. Comme on l’a pu voir, Hérode n’était point autrement cruel et ne désirait point la mort du pécheur.

Aussi surpris que si la foudre fût tombée sur sa tête par un temps serein, Labriche roula les quatre fers en l’air et ne bougea plus ; car la force du choc l’a-