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LA BAGUE D’AMÉTHYSTE.

— Et qui était votre mère, que faisait-elle ? dit le prince avec un redoublement d’intérêt.

— Elle s’appelait Cornélia, repartit modestement Isabelle, et c’était une pauvre comédienne de province qui jouait les reines et les princesses tragiques dans la troupe dont je fais partie encore.

— Cornélia ! Plus de doute, fit le prince troublé, oui, c’est bien elle ; mais, dominant son émotion, il reprit un air majestueux et calme, et dit à Isabelle : Permettez-moi de garder cet anneau. Je vous le remettrai quand il faudra.

— Il est bien entre les mains de Votre Seigneurie, répondit la jeune comédienne, en qui, à travers les brumeux souvenirs de l’enfance, s’ébauchait le souvenir d’une figure que, toute petite, elle avait vue se pencher vers son berceau.

— Messieurs, dit le prince, fixant son regard ferme et clair sur Sigognac et ses compagnons, en toute autre circonstance je pourrais trouver étrange votre présence armée dans mon château ; mais je sais le motif qui vous a fait envahir cette demeure jusqu’à présent sacrée. La violence appelle la violence, et la justifie. Je fermerai les yeux sur ce qui vient d’arriver. Mais où est le duc de Vallombreuse, ce fils dégénéré qui déshonore ma vieillesse ? »

Comme s’il eût répondu à l’appel de son père, Vallombreuse, au même instant, parut sur le seuil de la salle, soutenu par Malartic ; il était affreusement pâle, et sa main crispée serrait un mouchoir contre sa poitrine. Il marchait cependant, mais