Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
LE CAPITAINE FRACASSE.

poitrine chastement découverte, et le col d’une transparence alabastrine jaillissait comme le pistil de la corolle d’une fleur, d’une collerette empesée et découpée à jour. La jupe, en toile d’argent, se glaçait de lumière, et des points brillants marquaient l’orient des perles qui bordaient la robe et le corsage. Les cheveux, imprégnés de rayons et tournés en petites boucles sur le front et les tempes, ressemblaient à de l’or vivant ; pour les blasonner ce n’eût pas été trop d’une vingtaine de sonnets avec tous les concetti italiens et les agudezzas espagnoles. Déjà la salle entière était éblouie de cette beauté, bien qu’elle n’eût pas encore ôté son masque, mais ce qu’on en voyait répondait du reste ; le menton délicat et pur, la coupe parfaite de la bouche dont les rougeurs de framboise gagnaient au voisinage du velours noir, l’ovale allongé, gracieux et fin de la figure, la perfection idéale d’une mignonne oreille qu’on eût pu croire ciselée dans l’agate par Benvenuto Cellini, attestaient assez des charmes enviables des déesses mêmes.

Bientôt, incommodée sans doute par la chaleur de la salle ou peut-être voulant faire aux mortels une générosité dont ils ne sont guère dignes, la jeune déité ôta l’odieux morceau de carton qui éclipsait la moitié de sa splendeur. On vit alors ses yeux charmants dont les prunelles translucides brillaient comme des pierres de lazulite entre de longs cils d’or bruni, son nez, demi-grec, demi-aquilin, et ses joues nuancées d’un imperceptible carmin qui eût fait paraître terreux le teint de la plus fraîche rose. C’était Yolande de Foix.