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DÉCLARATION D’AMOUR DE CHIQUITA.

plus modeste, placé à côté de lui dans le fond du carrosse. Au diable l’imbécile qui va se faire rouer précisément à l’heure où nous traversons la place de Grève. Ne pouvait-il pas remettre la chose à demain ?

— Croyez, répondit l’ami, qu’il ne demanderait pas mieux, et que l’incident est encore plus fâcheux pour lui que pour nous.

— Ce que nous avons de mieux à faire, mon cher Sigognac, c’est de nous résigner à tourner la tête de l’autre côté si le spectacle nous dégoûte, chose difficile pourtant, lorsqu’il se passe près de soi quelque chose de terrible ; témoin saint Augustin, qui ouvrit les yeux dans le cirque, quoiqu’il se fût bien promis de les tenir fermés, à un grand cri que poussa le populaire.

— En tout cas, nous n’avons pas longtemps à attendre, répondit Sigognac, voyez là-bas, Vallombreuse ; la foule se sépare devant la charrette du condamné. »

En effet, une charrette, traînée par une rosse que réclamait Montfaucon, s’avançait, entourée de quelques archers à cheval, avec un bruit de vieilles ferrailles, et traversait les groupes de curieux, se dirigeant vers l’échafaud. Sur une planche jetée en travers des ridelles était assis Agostin, auprès d’un capucin à barbe blanche qui lui présentait aux lèvres un crucifix de cuivre jaune poli par les baisers d’agonisants en bonne santé. Le bandit avait les cheveux entourés d’un mouchoir dont les bouts noués lui pendaient