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LE CAPITAINE FRACASSE.

il répondit : « Baron de Sigognac, j’accueille votre demande et consens à ce mariage en tant que ma volonté paternelle s’accordera avec le bon plaisir de ma fille que je ne prétends forcer en rien. Je ne veux point user de tyrannie, et c’est à la comtesse de Lineuil qu’il appartient de décider sur ce point en dernier ressort. Il la faut consulter. Les fantaisies des jeunes personnes sont parfois bizarres. » Le prince dit ces mots avec la fine malice et le sourire spirituel du courtisan comme s’il ne savait pas dès longtemps qu’Isabelle aimait Sigognac ; mais il était de sa dignité de père de paraître l’ignorer, tout en laissant entrevoir qu’il n’en doutait aucunement.

Il reprit après une pause : « Vallombreuse, allez chercher votre sœur, car sans elle, vraiment, je ne puis répondre au baron de Sigognac. »

Vallombreuse disparut et revint bientôt avec Isabelle plus morte que vive. Malgré les assurances de son frère, elle ne pouvait croire encore à tant de bonheur ; son sein palpitant soulevait son corsage, les couleurs avaient quitté ses joues, et ses genoux se dérobaient sous elle. Le prince l’attira près de lui, et elle fut obligée, tant elle tremblait, de s’appuyer au bras du fauteuil pour ne pas choir tout de son long à terre.

« Ma fille, dit le prince, voici un gentilhomme qui vous fait l’honneur de me demander votre main. Je verrais cette union avec joie ; car il est de race ancienne, de réputation sans tache, et il me semble réunir toutes les conditions désirables. Il me convient ; mais a-t-il su vous plaire ? les têtes blondes ne jugent