Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
372
LE CAPITAINE FRACASSE.

par des stalles de chêne, et piétinant une litière nattée. Leurs croupes fermes et polies brillaient d’une lueur satinée et, entendant des visiteurs, les nobles bêtes tournèrent vers eux leurs yeux intelligents. Un hennissement éclata soudain ; c’était l’honnête Bayard qui reconnaissait son maître et le saluait à sa façon ; ce vieux serviteur, qu’Isabelle n’avait eu garde de renvoyer, occupait au bout de la file la place la plus chaude et la plus commode. Sa mangeoire était pleine d’avoine moulue pour que ses longues dents n’eussent pas la peine de la triturer ; entre ses jambes dormait son camarade Miraut, qui se leva et vint lécher la main du Baron. Quant à Béelzébuth, s’il n’avait pas paru encore, il n’en faut pas accuser son bon petit cœur de chat, mais les habitudes prudentes de sa race, que tout ce remue-ménage en un lieu jadis si tranquille effarouchait singulièrement. Caché dans un grenier, il attendait la nuit pour se produire et rendre ses devoirs à son maître bien-aimé.

Le Baron, après avoir flatté Bayard de la main, choisit un bel alezan, qu’on sortit aussitôt de l’écurie ; le duc prit un genêt d’Espagne à tête busquée, digne de porter un infant, et l’on mit pour la baronne, sur un délicieux palefroi blanc dont le pelage semblait argenté, une riche selle de velours vert.

Bientôt Isabelle parut habillée d’un costume d’amazone le plus galant du monde, qui faisait valoir les avantages de sa taille faite au tour. C’était une veste de velours bleu relevée de boutons, de brandebourgs et de soutaches d’argent, avec des basques tombant