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LE CAPITAINE FRACASSE.

nion, d’ailleurs, est celle de tous ceux qui, ayant vécu longtemps dans la solitude en compagnie de quelque chien, chat, ou tout autre animal, ont eu le loisir de l’observer et d’établir avec lui des rapports suivis. Aussi, l’œil humide et le cœur pénétré de tristesse, enveloppa-t-il soigneusement le pauvre Béelzébuth dans un lambeau d’étoffe, pour l’enterrer le soir, action qui eût peut-être paru ridicule et sacrilège au vulgaire.

Quand la nuit fut tombée, Sigognac prit une bêche, une lanterne, et le corps de Béelzébuth, roide dans son linceul de soie. Il descendit au jardin, et commença à creuser la terre au pied de l’églantier, à la lueur de la lanterne dont les rayons éveillaient les insectes, et attiraient les phalènes qui venaient en battre la corne de leurs ailes poussiéreuses. Le temps était noir. À peine un coin de la lune se devinait-il à travers les crevasses d’un nuage couleur d’encre, et la scène avait plus de solennité que n’en méritaient les funérailles d’un chat. Sigognac bêchait toujours, car il voulait enfouir Béelzébuth assez profondément pour que les bêtes de proie ne vinssent pas le déterrer. Tout à coup le fer de sa bêche fit feu comme s’il eût rencontré un silex. Le Baron pensa que c’était une pierre, et redoubla ses coups ; mais les coups sonnaient bizarrement et n’avançaient pas le travail. Alors Sigognac approcha la lanterne pour reconnaître l’obstacle, et vit, non sans surprise, le couvercle d’une espèce de coffre en chêne, tout bardé d’épaisses lames de fer rouillé, mais très-solides encore ; il dégagea la boîte en