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UNE TÊTE DANS UNE LUCARNE.

Le moindre craquement de la boiserie, le plus léger grésillement de la chandelle dont la mèche, non mouchée, se coiffait d’un noir champignon, la faisait tressaillir et s’enfoncer sous les couvertures, de peur de voir dans les angles obscurs quelque forme monstrueuse ; puis elle reprenait courage, inspectant du regard l’appartement où rien n’avait l’air suspect ou surnaturel.

Dans le haut d’une des murailles, était pratiqué un œil-de-bœuf destiné sans doute à donner du jour à quelque cabinet obscur. Cet œil-de-bœuf s’arrondissait sur la paroi grisâtre, aux faibles reflets de la lumière, comme l’énorme prunelle noire d’un œil cyclopéen, et semblait espionner les actions de la jeune femme. Isabelle ne pouvait s’empêcher de regarder fixement ce trou profond et sombre, grillé, au reste, de deux barreaux de fer en croix. Il n’y avait donc rien à craindre de ce côté ; pourtant, à un certain moment, Isabelle crut voir au fond de cette ombre briller deux yeux humains.

Bientôt une tête basanée, à longs cheveux noirs ébouriffés, s’engagea dans un des étroits compartiments dessinés par l’intersection des barreaux ; un bras maigre suivit, puis les épaules passèrent, se froissant au rude contact du fer, et une petite fille de huit à dix ans, se cramponnant de la main au rebord de l’ouverture, allongea tant qu’elle put son corps chétif le long de la muraille et se laissa tomber sur le plancher sans faire plus de bruit qu’une plume ou qu’un flocon de neige qui descendent à terre.