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les cruautés de l’amour

l’aime ! entends-tu ? J’ai au doigt son anneau de fiançailles, et je l’épouserai, je le jure ici.

Pavel regarda sa maîtresse avec effroi.

— Viens, emportons-le, continua-t-elle, conduisons-le au château, ne perdons pas un instant.

— Emportons-le, dit Pavel, mais je crains bien qu’avant notre arrivée il ne soit plus qu’un cadavre.

— Tais-toi, Pavel, tu ne crois pas en Dieu, dit Clélia.

— Ah ! que dites-vous là ? s’écria-t-il en se signant.

On fit approcher la voiture et Pavel, aidé de son compagnon qui était resté près des chevaux, souleva le blessé avec précaution. Au premier mouvement, un flot de sang jaillit jusque sur la robe de Clélia ; la jeune fille faillit s’évanouir, mais elle maîtrisa sa douleur et aida à placer André sur les coussins, puis elle s’assit à côté de lui.

Pavel guida les chevaux par la bride jusqu’à la route ; là, il remonta sur le siège et les lança au galop.

Le voyage fut un long supplice pour Clélia ; elle soutenait du mieux qu’elle pouvait le mourant dont elle sentait la tête inerte rebondir sur son épaule. Au moindre cahot, elle tressaillait et s’efforçait d’en éviter le contre-coup au blessé.