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les cruautés de l’amour

Deux personnes occupaient le véhicule, une femme soigneusement emmitouflée de fourrures et un homme enveloppé d’une bonne touloupe et qui guidait les chevaux.

— Ah ! Pavel, que je suis heureuse d’être libre ! dit la femme d’une voix qu’entrecoupait la rapidité de la course.

L’homme ne répondit que par un grognement affectueux.

— Es-tu sûr d’être dans la bonne voie ? reprit-elle, la route est effacée par l’épaisseur de la neige et je ne conçois pas que tu puisses guider tes chevaux dans cette obscurité.

— Soyez tranquille, Clélia Grégorowna, là où je vais, j’irais les yeux fermés. D’ailleurs, voici un des poteaux qui jalonnent la route… Ah ! il est déjà loin, ajouta Pavel tandis que sa compagne tournait la tête, mais nous n’avons pas dévié du bon chemin.

Clélia Grégorowna se mit à rire.

— Quelle surprise pour ces bons paysans que cette arrivée inattendue, dit-elle, ils vont pousser des ah ! à n’en plus finir. Es-tu bien sûr de ces gens-là ?

— Sûr comme de moi-même, dit Pavel, sans cela vous conduirais-je chez eux ? La femme d’Ivan Ivanovitch était la sœur de la chère compagne que