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les cruautés de l’amour

— Aimes-tu mieux me voir l’époux d’une autre femme, Lon-Foo ? Ne vois-tu pas ce que je souffre ? Je te quitte pour me garder à toi. Quelque temps de douleur, puis le bonheur de toute la vie.

— Qui sait si celui qui part reviendra jamais ? dit Lon-Foo en sanglotant ; qui sait si lorsqu’il reviendra celle qui reste sera là encore ?

— Que veux-tu que je fasse ? dit Li-Tso-Pé, gagné par les larmes ; parle, ma bien-aimée. Je resterai si tu l’ordonnes.

— Non, non, pars, dit Lon-Foo, le jour de tes noces serait le jour de ma mort. Va, je serai forte, et quoi qu’il arrive, je te le jure sur les mânes de mon père ici couché, rien ne pourra changer mon cœur.

— Au revoir donc, ma bien-aimée, dit Li-Tso-Pé ; le jour va disparaître, il faut rentrer. Jusqu’à l’heure de ma mort, sache-le, chaque battement de mon cœur comptera une pensée pour toi.

Les deux amants se jetèrent dans les bras l’un de l’autre et s’étreignirent violemment, puis ils se séparèrent et se rejoignirent encore pour s’embrasser de nouveau.

Lorsque la jeune fille repassa à travers le cimetière, un homme qui priait sur un tombeau magnifique la vit et sembla frappé de sa beauté. Il remarqua ses larmes et crut qu’elle pleurait un