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les cruautés de l’amour

couverte de chapeaux rabattus jusqu’au menton. En regardant mieux, la jeune fille s’aperçut qu’il n’y avait pas de jambes dans ces bottes, ni de têtes sous ces chapeaux, et que les pendus étaient tout simplement de vieux costumes fanés, déteints et rapiécés, mais très-soigneusement disposés le long de la muraille. Lon-Foo sourit de sa surprise. Une enseigne dédorée, qu’on accrochait pendant le jour à la porte de la maison, lui apprit d’ailleurs que ses hôtes étaient marchands de vieux habits ; elle reporta les yeux sur les habitants de cette misérable demeure.

Ils remuaient toujours les pièces de cuivre.

— Tu auras beau les compter mille fois, dit enfin la femme, la somme n’augmentera pas.

— Il manque toujours le quart d’un liang, dit l’homme.

— Oui, et demain le propriétaire de cette maison nous mettra dehors et prendra nos marchandises.

— Il nous mettra dehors ! répéta l’homme d’un air consterné.

— Je vais compléter la somme, dit alors Lon-Foo en tirant une pièce d’argent de sa ceinture, à la condition que vous me laisserez passer la nuit ici et que vous échangerez contre mes vêtements de soie un costume de fille du peuple.