Page:Gautier - Les Cruautés de l'Amour, E. Dentu, 1879.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
les cruautés de l’amour

au cœur par l’inquiétude et la jalousie, quitta aussitôt son poste et reprit la route de Nankin.

Cependant on était sur la trace de Lon-Foo ; ses vêtements avaient été retrouvés chez le marchand d’habits, qui avait donné la description du costume pris par elle. On apprit aussi qu’une vieille batelière du fleuve Bleu avait été subitement remplacée par une jeune fille d’une beauté extrême.

L’empereur fut donc informé que celle qu’il cherchait était sans doute cette jeune batelière dont personne ne connaissait l’origine.

Hoaï-Tsong voulut se convaincre par lui-même et sous un déguisement il se rendit au bord du fleuve, à l’endroit qu’on lui indiqua.

Au moment où l’empereur s’approcha du chan-pan, Lon-Foo, étendue à l’ombre de la cabine, chantait à demi-voix une chanson qu’elle avait composée en songeant à Li-Tso-Pé. L’empereur prêta l’oreille et entendit ceci :

« Depuis que tu m’as quittée, mon bien-aimé, je n’habite plus sur terre. Pendant le jour et pendant la nuit, l’eau limpide du fleuve Bleu me berce.

« Le souffle de l’automne a changé la verdure en or. Où donc est le temps où nous nous serrions la main à travers les branches, tandis que les feuilles jaunies tombaient légèrement ?