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les cruautés de l’amour

ges un peu creux que nous trouvâmes, puis le soir vint.

Milady remonta sur son arbre, et moi-même j’allai me coucher après avoir donné une leçon de grammaire au perroquet. Mais à peine endormi je fus éveillé par un tumulte épouvantable. C’était l’orage prédit par milady. Il se déchaînait avec une fureur que je n’aurais pas pu prévoir et qui est le privilége de la latitude enragée sous laquelle nous nous trouvions. Le ciel n’était qu’une immense flamme bleue, violette, effrayante ! Des détonations insensées éclataient soudain, et le bruit roulait autour de l’horizon indéfiniment ; les vagues semblaient battre une enclume gigantesque, le vent poussait d’affreux coups de sifflet ; bientôt la pluie tomba à torrents. Comme je n’étais pas très-rassuré, j’appelai milady.

— Avez-vous peur de l’orage ? lui demandai-je.

— Bah ! dit-elle, la foudre tombe toujours dans la mer. Voici de l’eau pour les poules, ajouta-t-elle.

Mon arbre était secoué et battu par les rafales, d’une façon très-inquiétante. J’aurais bien voulu être ailleurs. Le singe gémissait, le perroquet battait des ailes, les poules piaulaient ; c’était affreux. Enfin la tourmente se calma, puis s’éteignit et je pus m’endormir dans un air rafraîchi.

Le jour qui suivit cette formidable nuit d’orage,