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les cruautés de l’amour

ennemis ; mais, lorsqu’ils furent à portée de la vue, nous cherchâmes en vain des cavaliers sur le dos des montures ; les chevaux nus ne portaient personne.

— Eh bien, s’écria milady, nous voici encore sauvés cette fois-ci ; il n’y a pas le moindre sauvage.

— En effet, dis-je, ce sont les chevaux qui sont sauvages ; l’île est décidément déserte.

Nous ne nous inquiétâmes pas davantage des nouveaux arrivés, qui n’avaient d’autres intentions que de brouter les maigres ronces et d’exécuter quelques innocentes gambades. Ils s’en retournèrent d’ailleurs, comme ils étaient venus, et je repris le fil de mes idées amoureuses.

Un jour, le singe que je poussais un peu par derrière, grimpa l’échelle de milady et pénétra chez elle ; il tenait dans sa patte une carte de visite où on lisait : Le Vicomte Aurélien de Puyroche.

— Faites entrer, dit milady en riant. Je montai à mon tour l’échelle, et je parus devant la jeune femme. J’étais en frac, en culotte noire, en cravate blanche, en gants blancs.

— Quelle tenue, et quel air solennel ! dit la jeune veuve, en me faisant signe de m’asseoir par terre.

— Madame, dis-je, en m’inclinant le plus hum-