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les cruautés de l’amour

Je tuai trois poules, et, après les avoir plumées, je fis un petit oreiller avec leurs plumes. J’allai pêcher, puis cueillir une grosse touffe de fleurs sauvages dont j’ornai les arbres. Je ramassai des algues, et je fis des guirlandes de coquillages en guise de girandoles ; enfin je fabriquai une mosaïque charmante avec des galets brillants et de couleurs diverses. Le soir, lorsque je reconduisis milady jusqu’au seuil de son arbre, j’avais des larmes dans les yeux.

— Demain, lui dis-je, en baisant sa main, vous me laisserez monter au ciel par cette échelle.

Enfin le grand jour se leva. En m’éveillant je me jetai dans les bras du singe et je grattai la tête du perroquet avec attendrissement. J’étais inondé d’une joie sans nom, je souriais, je regardais le ciel avec extase, il me semblait que les rayons du soleil m’entraient dans le cœur. Je descendis et je me mis à poursuivre les poules pour les embrasser aussi, mais elles s’enfuirent avec des mines si rebelles, que je renonçai à mon tendre projet. Puis je pressai si fort dans mes bras l’arbre où dormait mon amie, que l’écorce s’incrusta dans la paume de mes mains et sur mon visage. Il paraît que je le secouai un peu, car milady s’éveilla et fit un mouvement.