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Page:Gautier - Les Cruautés de l'Amour, E. Dentu, 1879.djvu/302

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les cruautés de l’amour

façon cruelle et stupide. Je ne mérite certes pas d’être aimé d’elle.

Et il continua de regarder anxieusement la fenêtre, espérant que le hasard lui ferait deviner quelque chose de ce qui se passait à l’intérieur. Tout à coup, l’idée que ce pouvait être Jules malade d’une indigestion, qui tenait ainsi la maison éveillée, lui traversa l’esprit, et il se trouva si ridicule d’être là faisant le pied de grue, qu’il sentit la rougeur lui monter au front. Mais ce mauvais sentiment dura peu ; il entendit quelque chose comme un sanglot et son cœur, plutôt que son oreille, reconnut la voix de Juliette.

D’un mouvement irréfléchi, il s’élançait pour escalader la fenêtre, lorsque quelqu’un marcha dans la rue ; il dut redescendre et le jour qui se levait le força à s’éloigner.

Il n’osa pas, le lendemain, se présenter chez Mme Manivaux, et il passa une journée affreuse. Le soir, il alla au Casino, espérant savoir là quelque chose. Il fit plusieurs tours dans les salons et allait se retirer, lorsqu’il entendit dire derrière lui.

— Voici Mme Manivaux et son pensionnat.

— Son pensionnat ! c’est bien cela ! se dit Maurice avec un sourire ironique.

Jules s’avançait le premier, puis venait Lili, puis Julie. Mme Manivaux suivait. On les regar-