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les cruautés de l’amour

— Je tuerai un loup aujourd’hui, lui dit-il avec un rire éclatant.

Catherine rentra dans la maison toute troublée, elle n’aurait pu dire pourquoi, mais son cœur de mère, qui s’alarmait souvent pour peu de chose, avait reçu une secousse douloureuse en voyant partir son fils. Elle n’avait pas osé essayer de le retenir, elle savait bien que cela eût été inutile. Elle demeura un instant comme pétrifiée sur le seuil de la porte, puis rentra, les yeux pleins de larmes, et, s’agenouillant sur le banc de bois scellé à la muraille, elle fit une longue prière devant l’image de saint Serge.

Son intention était de garder pour elle seule son inquiétude, mais au milieu du déjeuner elle poussa tout à coup un grand cri.

En levant par hasard les yeux, elle venait de voir sur la muraille les armes d’André accrochées en croix comme à l’ordinaire.

— Seigneur ! il n’a pas pris sa carabine, s’écria-t-elle. Je savais bien qu’il méditait quelque folie !

Clélia pâlit et regarda Catherine avec angoisse.

— Qu’est-ce qui te prend ? Qu’est-ce que tu as ? dit Ivan en posant violemment son verre sur la table.

— André a oublié son fusil, dit-elle ; tiens, regarde, toutes ses armes sont là.