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les cruautés de l’amour

jeune fille l’examinait furtivement avec curiosité.

De Montmorency à Enghien, la route n’est pas longue. La diligence s’arrêta bientôt. Maurice sortit le premier, dans le but banal de donner la main à Mlle Juliette pour l’aider à descendre. Elle s’appuya légèrement sur lui, rougissant et souriant, puis elle traversa la rue en courant et alla frapper à une maison. La bonne la rejoignit portant son énorme panier. Toutes deux disparurent.

Maurice fut surpris du sentiment de profonde solitude et de tristesse où le laissa le départ de la jeune fille. Pendant les brefs instants qu’il avait passés, assis en face d’elle, il s’était senti enveloppé de bien-être et de contentement. Et maintenant, un douloureux serrement de cœur le tenait immobile à la place où l’inconnue l’avait quitté.

— Qu’ai-je donc ? se dit-il.

Les passants commençaient à le remarquer. Il s’éloigna, alla prendre une barque et fit le tour du lac ; puis il dîna à Enghien et se retrouva dans sa chambre sans savoir comment il y était revenu.

Le lendemain, assis sur son lit, les coudes sur les genoux, la tête dans les mains, il s’avoua qu’il n’avait pas dormi de la nuit, et que, depuis la veille, il ne cessait de penser à Mlle Juliette et à sa jolie