Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/295

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peu de personnages qui survivent aux violences de notre action.

Volmerange voit toujours devant lui l’ombre blanche d’Edith, et reste accroupi de terreur dans l’angle de son cabanon de Bedlam, s’éloignant autant qu’il peut du spectre que son imagination égarée lui montre à l’autre bout de la chambre.

Quant à miss Edith et à sir Benedict Arundell, des voyageurs anglais qui se rendaient à Smyrne et visitaient les îles de la mer Ionienne prétendent avoir vu à Rhodes, dans un charmant palais de marbre bâti sous la domination des chevaliers et mêlé de fragments antiques, un jeune couple d’une sérénité grave, et douce, qui faisait supposer autant de bonheur que peut en permettre une vie éprouvée par des chagrins et des vicissitudes diverses. Bien qu’ils ne fussent connus que sous le nom de M. et Mme Smith, ils paraissaient appartenir à un rang plus haut que cet humble nom ne l’indiquait. Ils n’évitaient ni ne cherchaient leurs compatriotes. Cependant ils préféraient être seuls, ce qui indiquait qu’ils étaient heureux.

Sidney ne reparut plus et ne donna jamais de ses nouvelles. Était-il mort ? avait-il enfoui dans quelque solitude le désespoir d’avoir manqué l’entreprise, but de sa vie pendant cinq ans ? C’est ce que l’on n’a jamais pu savoir.

Seulement, quelques années plus tard, un navire qui revenait des Indes, et que la tempête avait poussé sur les îles de Tristan-d’Acunha, débarqua sur un îlot du groupe quelques matelots, pour prendre des tortues et dénicher des œufs d’oiseaux de mer, pour varier un peu les provi-