Page:Gautier - Les Deux Etoiles.djvu/62

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ger sourire releva les coins de sa bouche sérieuse, et, se tournant vers Fanny, elle lui dit d’une voix harmonieuse comme de la musique :

— Fanny, vous vous êtes surpassée aujourd’hui. Je ne suis vraiment pas mal.

— Mademoiselle, car je peux dire encore mademoiselle, n’est guère difficile à parer. Elle va si bien à ses robes !

— Flatteuse ! Mais quelle heure est-il ?

— Onze heures vont sonner, répondit Fanny après avoir consulté de l’œil une pendule incrustée de burgau et posée sur un piédouche.

— Onze heures déjà ! et ma tante lady Eleanor Braybrooke qui n’arrive pas !

— Il me semble, répondit Fanny, que j’entends une voiture qui s’arrête devant la porte. Ce doit être lady Eleanor.

Un tonnerre de coups de marteau retentit au bas de la maison comme Fanny achevait sa phrase, présageait un personnage d’importance.

En effet, au bout de quelques minutes, un valet poudré et en bas de sole annonça en soulevant la portière :

— Lady Eleanor Braybrooke !

Une femme majestueuse et raide ayant atteint cet âge si difficile à fixer, qu’on appelle poliment un certain âge, entra dans la chambre avec une raideur automatique, sans faire onduler le moins du monde son épaisse robe de soie. On eût dit que des rouages intérieurs la faisaient mouvoir et qu’elle s’avançait au moyen de roulettes de cuivre comme ces poupées qu’un mécanisme caché fait circuler autour d’une table.