Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/123

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effilé en diminutifs, à la façon antique, une quantité de vocables qui semblent fort étonnés de la queue de mignardises qu’on leur a intempestivement affûtée au derrière, tout cela est vrai ; mais il a donné au vers un nombre plein et sonore, un accent mâle et robuste, inconnu avant lui ; mais il a dessiné les muscles et fait sentir les os, sous les formes molles et pâteuses de l’ancien idiome. Il a mis un langage plus convenable dans la bouche de la muse française, déjà un peu bien vieille, pour grasseyer des gentillesses et des naïvetés dans le style enfantin des trouvères et des ménestrels ; mais sous une croûte épaisse de pédanterie, à travers le vernis jaune de la vétusté, resplendissent des touches d’une fraîcheur et d’une vivacité non pareille. Derrière ces figures mythologiques, il y a des fonds de paysage accusés avec un accent de nature inimitable ; mais sa muse drapée à la grecque a des soupirs d’une mélancolie toute moderne ; mais les sonnets ont des tendresses que n’ont point ni les élégies de Tibulle ni celles de Properce ; mais il est bien gaulois au fond, malgré toutes les guenilles qu’il s’en va ramassant de çà de là chez les auteurs, et son style, en dépit de ses efflorescences grecques et latines, adhère parfaitement au tronc robuste du vieil idiome et en pompe toute la sève ; l’habit est différent, mais le corps est le même. Ses discours en vers ont nombre de passages que vous croiriez écrits par la plume de bronze du grand Pierre Corneille. — C’est peut-être un pédant, mais à coup sûr c’est un poète, et tout ce qui a été poète en France depuis le seizième siècle relève directement de lui. Mathurin Régnier l’avoue hautement pour son maître.