Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/157

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d’aller à Lyon faire imprimer son livre, la lui accorda, à cette condition qu’il obtiendrait l’agrément du père préfet, croyant intérieurement qu’il lui serait refusé, et s’imaginant se débarrasser ainsi d’un refus direct et désagréable. Le père Pierre de Saint-Louis partit aussitôt pour Lyon, muni de l’approbation de trois docteurs de l’ordre.

Le préfet n’eut pas plutôt lu deux pages du poème que son jugement fut porté, et il fit remettre le manuscrit au frère portier, avec ordre de dire à celui qui le viendrait chercher qu’il ne fallait point qu’il y pensât et que son livre ne pouvait être imprimé. Le père Pierre de Saint-Louis, suivi de son fidèle Achate, le père Groslier, qui ne le quittait non plus que son ombre, s’en vint le lendemain, pâle et tremblant, savoir le mot de sa destinée.

Quand le portier lui eut dit ce qu’il en était, il entra dans un désespoir horrible, et, malgré la consigne, monta droit chez le père préfet, parvint à son cabinet, se jeta à ses pieds tout en pleurs, le supplia et le pria en tant de manières que le bon père se laissa aller à l’attendrissement et lui accorda la bienheureuse permission. Muni de cette pièce importante, il courut chez l’imprimeur, et l’ouvrage parut bientôt sous ce titre, dont nous reproduisons ici la configuration typographique pour lui laisser toute sa baroque originalité.