Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/179

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a pu me le permettre, je la livre au public, et je serais bien aise qu’un homme de science s’en emparât et en fît l’expérience plus en grand. — Cela servirait à remettre à son véritable rang la musique, que l’on affecte de regarder comme la poésie même, quoique l’une s’adresse plus particulièrement aux sens, et l’autre à l’idée, ce qui est fort différent. — La musique fait de l’effet sur les animaux ; il y a des chiens de chasse dilettanti qui ont des spasmes en entendant toucher de l’orgue expressif, et des caniches qui suivent les chanteurs ambulants en hurlant de la manière la plus harmonieuse et la plus intelligente. Lisez-leur les plus magnifiques vers du monde, ils y seront peu sensibles.

Outre ce talent de jouer du luth, Saint-Amant avait celui de lire ses vers admirablement bien, à tel point qu’il en dissimulait parfaitement les défauts, et qu’il n’y avait point jour à discerner les excellents d’avec les bons et les médiocres d’avec les pires. Gombaud, souvent trompé par cette magie et dépité de s’y laisser toujours reprendre, fit là-dessus cette épigramme, qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre, non plus qu’aucune autre épigramme ;


Tes vers sont beaux quand tu les dis,
Mais ce n’est rien quand je les lis ;
Tu ne peux pas toujours en dire,
Fais-en donc que je puisse lire.


Il fut un des premiers de l’Académie, où il eut pour successeur l’abbé Cassaigne. On l’exempta de faire un discours de réception, à cette condition qu’il se char-