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Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/235

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Quoique cette maison n’ait pas un grand espace,
Elle est propre en tout temps aux enfants du Parnasse,
Puisque pendant le jour, puisque pendant la nuit,
Je la vois sans fumée et sans femme et sans bruit.


Sa maison de Paris se trouvait située tout en haut du faubourg Saint-Marceau. Par une coïncidence assez bizarre, c’était la propre maison de Pierre Ronsard, l’illustre Vendomois, et, pour peu que l’on sache la fortune et la vogue de ce grand poète si décrié depuis, l’on doit croire que c’était tout autre chose qu’une bicoque. Il y avait un beau portique, de grands lions de marbre, une cour magnifique, un jardin plein de fleurs avec de doubles allées, comme on le peut apprendre plus amplement par ce sonnet, qui a ce double avantage, d’avoir un assez beau tour et de contenir des détails sur un endroit habité par un personnage illustre :


Je ne vois rien ici qui ne flatte mes yeux :
Cette cour du balustre est gaye et magnifique,
Ces superbes lions, qui gardent ce portique,
Adoucissent pour moi leurs regards furieux.

Le feuillage, animé d’un vent délicieux,
Joint au chant des oiseaux sa tremblante musique ;
Ce parterre de fleurs, par un secret magique,
Semble avoir dérobé les étoiles des cieux.

L’aimable promenoir de ces doubles allées,
Qui de profanes pas n’ont point été foulées,
Garde encore, ô Ronsard, les vestiges des tiens !

Désir ambitieux d’une gloire infinie !
Je trouve bien ici mes pas avec les siens,
Mais non pas, dans mes vers, sa force et son génie !