Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/249

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lui et ne voulut plus jamais le revoir parce qu’il lui avait dédié quelque chose, et déplorait-il amèrement de s’être rompu la cervelle à inventer des qualités et des vertus à de riches seigneurs qui n’en avaient effectivement point et qui ne lui avaient rien donné pour la peine qu’il avait prise de les rendre célèbres à tout jamais. — Damoiselle Marie Prunelle, sa chère moitié, étant bien et dûment enfermée sous sa tombe rimée, le cœur naïf et tendre du débonnaire académicien ne pouvait rester plus longtemps sans occupations, et trouvant que les Isis nuagères et les fantastiques Chloris offraient de minces régals aux ardeurs des terrestres flammes, il se prit de belle passion, non pour une grand dame, mais tout bonnement pour une fraîche et grasse fillette qui lui servait de ménagère. — À quoi il n’y a pas grand mal, quoi qu’en disent toutes les biographies qui reprochent à Colletet la bassesse de ses inclinations et le mauvais choix de sa compagnie. Il vaut bien mieux posséder librement et à son aise une fille jeune et bien faite qui se trouve fort honorée de votre choix, que de faire le pied de grue sous le balcon de quelque Philaminte surannée ou de quelque duchesse plâtrée qui vous regarde comme un manœuvre d’amour, et vous ferait volontiers manger à l’office après vous avoir fait efficacement remplacer monsieur le duc. — Et d’ailleurs, la seule et vraie aristocratie de la femme n’est-elle pas dans la jeunesse et la beauté, et ne sont-ce pas les blanches mains qui font la reine plutôt que le sceptre d’or ?

Quoique Guillaume fût loin d’être alors un adolescent romanesque, puisqu’il avait à cette époque quelque cin-