Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/260

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peut-être pas hors de propos d’en placer ici un de sa façon qui vaut probablement mieux que tous les sonnets en bouts rimés du monde, qu’il en soit ou non l’inventeur, ce qui, après tout serait un assez maigre rayon dans son auréole académique.


HOMMAGE À UN GRAND POÈTE.


Afin de témoigner à la postérité
Que je fus de mon temps partisan de la gloire,
Malgré ces ignorants de qui la bouche noire
Blasphème parmi nous contre ta déité,

Je viens rendre à ton nom ce qu’il a mérité,
Belle âme de Ronsard, dont la sainte mémoire
Remportera du temps une heureuse victoire,
Et ne se bornera que de l’éternité.

Attendant que le ciel mon désir favorise.
Que je te puisse voir dans les plaines d’Élise,
Ne t’ayant jamais vu qu’en tes doctes écrits.

Belle âme, qu’Apollon ses grâces me refuse,
Si je n’adore en toy le roy des grands esprits,
Le père des beaux vers et l’enfant de la Muse.


Sainte-Beuve a aussi adressé tout récemment à l’ombre de Ronsard un fort beau sonnet dont l’idée est la même. — Au reste, cette admiration pour Ronsard est commune à toute cette école qui tient plus du seizième siècle que du dix-septième. Théophile, Scudéry, Saint-Amant, Frenicle, Rampale et les autres vénéraient pieusement la mémoire du maître. — Car Malherbe qui ébranla le premier l’idole, Boileau qui acheva de la déraciner de son piédestal, et qu’on regarde à présent comme des perruques,