Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/282

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qu’en tableaux ; il est spirituel dans le sens le plus misérable du mot. Son auteur favori, quoi qu’on dise et qu’on fasse, est et sera toujours Voltaire ; le lyrique selon son cœur est incontestablement Jean-Baptiste Rousseau, dit le Grand. Pour la première toile bien léchée et bien luisante de M. Paul Delaroche, il donnerait volontiers toutes les stanze du Vatican et les fresques de la Sixtine. Au musée, vous trouverez toujours le vrai Français se mirant d’un air émerveillé dans le chaudron de M. Drolling ; ce chaudron lui va ; l’art fait ainsi lui convient. L’Opéra-Comique lui convient semblablement ; il est à l’aise dans cette musique et dans ce théâtre ; ce sont des émotions douces qui ne troublent pas sa digestion, et il rentre chez lui fort satisfait en chantonnant à faux quelque phrase d’ariette.

Avant de commencer son poème, Chapelain en médita le plan cinq ans entiers, et l’écrivit en prose d’un bout à l’autre. M. d’Andilly et Vaugelas, qui virent ce plan, le trouvèrent si sage, si bien ordonné et si conforme aux règles, qu’ils s’en préoccupèrent très-favorablement et eurent dès lors une fort haute idée de l’ouvrage ; ils en dirent beaucoup de bien de par le monde, et persuadèrent au duc de Longueville que l’honneur de sa maison y était intéressé, et qu’il lui serait glorieux de doter la France de l’épopée qui lui manquait : ce généreux prince, protecteur des lettres plus zélé qu’éclairé, accorda à Chapelain une pension de mille écus qu’il lui continua tout le temps que dura son travail, et qu’il lui doubla ensuite pour le consoler des critiques que l’on fit de son ouvrage lorsqu’il vit le jour